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Dans le cadre de la Conférence régionale « Perspectives panafricaines pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles » (9 et 10 octobre 2019), Destiny Tchéhouali, professeur au département des Communications de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), a présenté lors d’une conférence les réalités de la diffusion de contenus culturels numériques et les défis pour la diversité culturelle sur Internet.
Les échanges de biens et de services culturels se sont multipliés avec l’arrivée des technologies du numérique. Leur développement rapide a considérablement modifié la façon dont on accède et on consomme les biens et services culturels à travers le monde. Plusieurs études se sont penchées sur le sujet au cours des cinq dernières années (rapport 2018 sur l’état de la Francophonie numérique, étude « Pour une culture en réseaux diversifiée », rapport de l’UNESCO sur le numérique, etc.) mais trop peu d’entre elles portent sur l’Afrique. Il n’y a que très peu d’indicateurs et de données sur les consommations et les usages dans les pays ACP (Afrique, Asie-Pacifique et Caraïbes) en matière de contenus culturels en ligne. Dans son Étude sur les enjeux et les retombées économiques et artistiques de la diffusion et la distribution en ligne de contenu culturel ACP (Commission européenne, 2016-2017), Destiny Tchéhouali a constaté de fortes disparités entre les pays du Nord et du Sud en termes de diffusion et de distribution de contenus culturels numériques. Les plateformes ont permis d’élargir l’accès à certains contenus culturels, elles se positionnent de plus en plus sur les marchés locaux, mais elles contrôlent, influencent et guident nos choix. Il y a une forme de dictature des algorithmes : « Si c’est gratuit, c’est vous le produit ».
La fracture numérique entre les régions du monde peut mener à une fracture culturelle. Aujourd’hui, 4 milliards de personnes vivent encore sans Internet, dont 60% en Afrique. Destiny Tchéhouali a évoqué plusieurs défis pour la diversité des expressions culturelles en ligne dans la région:
- Les défis politiques et réglementaires. Les politiques culturelles des pays ACP ne sont pas adaptées. Les politiques de soutien aux industries culturelles sont centrées sur l’offre et non la demande. Il faudrait que ces politiques prennent en compte des réflexions sur la distribution et la diffusion des contenus numériques ;
- Les défis technologiques. Il y a souvent un manque d’infrastructures et une absence de stratégie globale pour développer l’accès aux contenus en ligne ;
- Le manque de professionnalisation du secteur culturel.
Destiny Tchéhouali a évoqué aussi les défis de l’accessibilité et de la découvrabilité des contenus locaux et nationaux, qui concernent l’ensemble des régions du monde. Les acteurs de l’innovation numérique essayent d’imposer leur leadership sur les acteurs culturels traditionnels. Il y a un fossé entre les logiques de recommandation de contenus culturels et la présence effective, l’accessibilité et la découvrabilité de nos contenus sur le Web. Au lieu de favoriser la diversité des expressions culturelles en ligne, les algorithmes ont plutôt tendance à imposer leur dictature et à nous enfermer dans des goûts. Il faut réfléchir à un moyen de réglementer les GAFA, comme le fait l’Union européenne qui a adopté des directives en ce sens. L’enjeu est aussi d’innover au niveau local. Plusieurs plateformes ont déjà vu le jour en Afrique : Afrostream, par exemple, qui a connu un grand succès pendant trois ans, ou Musik Bi, plateforme innovante au Sénégal. À l’avenir, les efforts pourraient se concentrer sur le développement de plateformes alternatives mutualisées.
Avec le soutien de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), de l’Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), du ministère de la Culture et des Communications du gouvernement du Québec, de la Coalition française pour la diversité culturelle, de la Coalition togolaise pour la diversité culturelle, de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles (Canada), du gouvernement du Togo, du gouvernement du Canada, de la Délégation générale du Québec à Dakar, et de la Coalition autrichienne pour la diversité culturelle.